En France, semble-t-il que nous ayons tendance à voir tout en noir. En effet, d’après une enquête auprès de 100 collaborateurs, seulement six d’entre eux se sentent engagés et désirent contribuer au développement de leur entreprise. Est-ce ce que vous observez réellement autour de vous ? En tant que dirigeant d’une PME, il est difficile d’y croire…
Les salariés, les dirigeants, les décideurs publics et privés, tous sont concernés par une révolution en cours dans le domaine des ressources humaines, c’est-à-dire notre vie quotidienne au travail. Cette dimension, qui représente une grande partie de notre existence, excluant l’enfance, les études, les loisirs, le repos et la retraite, n’a jamais perdu de son importance, dans un contexte de recherche constante de productivité. De la construction des pyramides et des cathédrales aux travaux agricoles et miniers, en passant par l’avènement des manufactures, de la révolution industrielle, du taylorisme, jusqu’à l’importance croissante de la technologie et de la digitalisation aujourd’hui.
Concilier la performance de l’entreprise et l’épanouissement des salariés a toujours suscité des analyses et des commentaires, car le travail est à la fois une nécessité et une contrainte. En raison de son importance dans nos vies, la question s’est posée et se pose encore de savoir comment en faire un moyen d’apprentissage, d’enrichissement, y compris sur le plan social, et, dans la vision la plus optimiste, de satisfaction, voire de sens et d’épanouissement. En effet, la vie professionnelle ne pourrait-elle pas être une source de confiance, de reconnaissance, de fierté, de motivation, et donc un véritable levier pour s’épanouir personnellement ? Les échanges entre collègues pour créer et innover, la réalisation de projets complexes sur le papier, les formations permettant à chacun de se développer et d’améliorer ses compétences contribuent pleinement à maintenir un bon équilibre mental. Un salarié qui se sent bien sera performant. C’est pourquoi de nombreux entrepreneurs et professionnels des ressources humaines cherchent à concilier la performance de l’entreprise et l’épanouissement des collaborateurs, convaincus que les deux sont liés.
Pourtant, aujourd’hui, en 2022, que dit-on de cette vie au travail ? On la perçoit souvent comme dénuée de sens, avec une démission massive des salariés, la fameuse « grande démission », ou sinon, un désengagement croissant, illustré par la nouvelle tendance du « quiet quitting », sur fond des conséquences de la crise sanitaire, de la généralisation du télétravail et des caricatures sur les nouvelles générations qui préfèrent rejoindre des ONG ou élever des chèvres. Sans oublier les problèmes de stress, de harcèlement moral ou de burn-out, qui semblent augmenter constamment.
Il est vrai qu’il ne s’agit pas de nier une réalité basée sur des données chiffrées incontestables, que ce soit les chiffres de l’emploi aux États-Unis ou les statistiques de la médecine du travail en France. Cependant, ce que nous, dirigeants d’entreprise, et notamment de PME en province, vivons au quotidien ne correspond pas à cette description teintée de pessimisme. Nous voyons des salariés engagés, heureux de se lever le matin, qui échangent avec le sourire, qui partagent. Bien sûr, ils n’hésitent pas à nous interroger, à exprimer leurs insatisfactions lorsqu’elles existent, voire à nous mettre au défi en ce qui concerne le sens à donner à leur travail. Et il est de notre responsabilité en tant que dirigeants de leur répondre et, si nécessaire, de remettre en question nos pratiques.
Plus généralement, nous entendons constamment parler de jeunes à la recherche d’un emploi (et qui envoient des CV !), de personnes qui se forment pour se reconvertir ou acquérir de nouvelles compétences. Les chiffres spectaculaires de l’apprentissage au cours des deux dernières années en témoignent.
Bref, le monde du travail n’est pas si sombre.
Travailler est une opportunité de se construire. C’est s’investir pleinement, faire preuve de dévouement, s’efforcer à accomplir les missions correctement et y prendre du plaisir. Cependant, cela ne devrait jamais être une souffrance. Passer un tiers de sa vie à souffrir ne peut être considéré comme acceptable. Le travail offre une formidable occasion de se développer, de s’épanouir, de faire des rencontres et des échanges.
Il est temps d’en parler de cette manière, de raconter cette réalité satisfaisante, voire heureuse pour de nombreux salariés, et d’arrêter de dresser uniquement un tableau sombre d’un monde laborieux subi, où le désengagement serait total au quotidien. Ne laissons pas croire que le travail ne peut pas être un terrain de jeu pour se développer personnellement et professionnellement. Ce n’est pas ce que des millions de Françaises et de Français veulent au quotidien. Ce n’est pas ce qu’ils vivent. C’est tant mieux.